À
la mère de Samba, le lanceur de cauris qui lisait l’avenir
dans les coquillages, avait auguré : “Tu auras un fils grand
parmi les pêcheurs. Mais jamais il ne devra, jamais, jamais, jamais,
prendre femme.”
Samba vint au monde, grand, fort et beau. Paon parmi les oiseaux, lune
au milieu des étoiles. Champion parmi les pêcheurs, sa pirogue
était chargée au retour de la pêche, toujours plus
chargée que celle de ses amis ; ce qui faisait des jaloux. Samba
grandit, admiré de toutes les femmes. Pourtant, il n’en épousa
aucune.
“Pourquoi mes amis se marient-ils et pas moi ? demandait-il.
– Que choisis-tu, Samba, entre une femme et la vie ? répondait
sa mère.
– Si je me marie un jour, je mourrai. Et si je ne me marie pas,
je mourrai aussi”, rétorquait-il.
Mais sa mère ne l’écoutait pas. Le temps passait sans
qu’elle permît à aucune femme d’approcher de
son fils bien-aimé. Un matin, Samba partit au Service des travaux
forcés pour construire la route. C’était au temps
de la colonisation. Il n’y rencontra que des jeunes, des gamins.
“Qui es-tu, mon enfant ?
– Je suis le fils de N’gaari.
– N’gaari, mon ami ? Ah, tiens ! Et toi, petit ?
– Je suis le fils de Thiedel.
– Thiedel ?
– Oui, pourquoi ?
– Rien, occupe-toi de cette partie de la route, mon garçon.”
Toute
la journée, Samba travailla avec les fils de ses camarades d’âge.
Il revint, le cœur plein d’amertume, et bouda. “Mon fils,
tu ne manges pas ?
– Non, maman.
– Qu’y a-t-il ? Tu as le visage plissé comme si tu
étais en deuil.
– Maman, vous m’avez trompé.
– Que s’est-il passé ?
– J’ai travaillé avec le fils de Thiedel et le fils
de Djgoré Guelel. Tous mes camarades se sont mariés et ont
des enfants, sauf moi. Maman, vous m’avez trompé.
– Samba, je te le redemande. Que préfères-tu : la
vie ou le mariage ?
– Maman, ma mère, je vous le redis : que je me marie ou que
je ne me marie pas, je mourrai.
– Alors si tu veux mourir, va chez ton oncle et demande-lui de te
donner une épouse.” Samba alla voir son oncle et lui demanda
une femme. “Je t’offre la main de Coumba à la chevelure
de jais. C’est la plus âgée de mes filles et la plus
svelte.”