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les éditions l'oeil d'or

Les Filles d'Ariane
de Babel, Ricardo Montserrat et Alain Goutal
- fictions & fantaisies
CHAPITRE 1 : Pôlel

Les filles d'Ariane Ricardo MontserratÀ la mère de Samba, le lanceur de cauris qui lisait l’avenir dans les coquillages, avait auguré : “Tu auras un fils grand parmi les pêcheurs. Mais jamais il ne devra, jamais, jamais, jamais, prendre femme.”
Samba vint au monde, grand, fort et beau. Paon parmi les oiseaux, lune au milieu des étoiles. Champion parmi les pêcheurs, sa pirogue était chargée au retour de la pêche, toujours plus chargée que celle de ses amis ; ce qui faisait des jaloux. Samba grandit, admiré de toutes les femmes. Pourtant, il n’en épousa aucune.
“Pourquoi mes amis se marient-ils et pas moi ? demandait-il.
– Que choisis-tu, Samba, entre une femme et la vie ? répondait sa mère.
– Si je me marie un jour, je mourrai. Et si je ne me marie pas, je mourrai aussi”, rétorquait-il.
Mais sa mère ne l’écoutait pas. Le temps passait sans qu’elle permît à aucune femme d’approcher de son fils bien-aimé. Un matin, Samba partit au Service des travaux forcés pour construire la route. C’était au temps de la colonisation. Il n’y rencontra que des jeunes, des gamins. “Qui es-tu, mon enfant ?
– Je suis le fils de N’gaari.
– N’gaari, mon ami ? Ah, tiens ! Et toi, petit ?
– Je suis le fils de Thiedel.
– Thiedel ?
– Oui, pourquoi ?
– Rien, occupe-toi de cette partie de la route, mon garçon.”

Toute la journée, Samba travailla avec les fils de ses camarades d’âge. Il revint, le cœur plein d’amertume, et bouda. “Mon fils, tu ne manges pas ?
– Non, maman.
– Qu’y a-t-il ? Tu as le visage plissé comme si tu étais en deuil.
– Maman, vous m’avez trompé.
– Que s’est-il passé ?
– J’ai travaillé avec le fils de Thiedel et le fils de Djgoré Guelel. Tous mes camarades se sont mariés et ont des enfants, sauf moi. Maman, vous m’avez trompé.
– Samba, je te le redemande. Que préfères-tu : la vie ou le mariage ?
– Maman, ma mère, je vous le redis : que je me marie ou que je ne me marie pas, je mourrai.
– Alors si tu veux mourir, va chez ton oncle et demande-lui de te donner une épouse.” Samba alla voir son oncle et lui demanda une femme. “Je t’offre la main de Coumba à la chevelure de jais. C’est la plus âgée de mes filles et la plus svelte.”