L’antiquaire
apparut enfin en haut du minuscule escalier qui descendait de son grenier.
Il semblait avoir trouvé là-haut, abandonné depuis
des années dans une armoire, le jouet que j’étais
venu chercher. Il le dépoussiéra et me le tendit avec dédain.
Il ajusta les grosses lunettes qui dissimulaient le haut de son visage,
et tout en se recoiffant d’un geste il me lança : Ne vous
faites pas d’illusions, vous n’en tirerez pas un centime.
Rougissant, je récupérai le jouet avec précaution
et sortis vite de la boutique, sans prendre la peine d’expliquer
que je n’avais aucune intention de le revendre. De l’autre
côté de la vitrine, à travers les verres déformants
de ses lunettes, le vieil homme me suivait ironiquement du regard. C’était un matin froid. Je revoyais cette grande dame adossée
à sa cheminée, si délicate, qui me tendait du bout
des doigts, avec le même dédain que l’antiquaire, de
vieux cahiers rongés par l’humidité. Elle les avait
reçus par erreur lors d’un déménagement, et
ils n’avaient à ses yeux aucune valeur. Ils étaient
pleins d’annotations, de calculs, et de croquis aux formes impossibles,
qui étaient pour moi autant de précieux indices pour reconstituer
le fonctionnement de jouets tous plus bizarres les uns que les autres.
J’espérais aussi retrouver la trace d’anciens propriétaires,
dont certains auraient peut-être personnellement connu l’énigmatique
inventeur. Un nouveau jouet, un nouveau cahier sous le bras, je progressais
chaque fois un peu plus dans le labyrinthe d’histoires qui devait
me mener jusqu’à Romilio Roil.