Il
était une fois une petite ville du bassin minier, à mi-chemin
entre Lens et Arras, à la limite des champs et d’un vaste
enchevêtrement de villes. Sa jeunesse était un gage d’avenir,
un souci parfois. Cette ancienne cité minière si proche,
si lointaine, à l’abri de l’immense terril, sait encore
parfois inquiéter. Coupée en deux par son histoire intime,
la commune de Rouvroy cultive avec minutie les fleurs précieuses
d’un devenir qui pousse, au gré de ses rues familières.
Ici,
l’enfance et la jeunesse constituent autant de paris pour demain.
Sa particularité est faite de toutes petites choses agréables.
Pas plus belle que ses voisines, forgée tout comme elles au charbon
d’hier et au travail des hommes, il y règne pourtant un joli
charme de ville à la campagne, ou de campagne à la ville,
comme le rêvait autrefois l’écrivain Alphonse Allais
– qui n’avait sans doute jamais mis les pieds dans le nord
du pays.
Ici, ville et campagne cohabitent encore, pour le bonheur des regards
jetés à la va-vite. Et si Rouvroy-Sud reste un village regroupé
autour de son église, sa mairie et quelques écoles, Rouvroy-Nord
est devenue un centre de vie, le centre-ville, la mémoire vivace
de l’ancien quartier appelé Nouméa, agglutiné
autour d’un carreau de fosse, juste au pied des grands terrils.
C’était la mine des grands-parents d’une jeunesse en
quête d’elle-même, d’une enfance heureuse, dont
les jeux intègrent toujours un reste de nature. La verdure est
partout présente ici, l’espace reste disponible pour toutes
les évasions enfantines. Ses habitants ne sont pas très
nombreux mais suffisamment pour mettre de l’animation dans la rue
Charles-de-Gaulle les jours de marché, chaque lundi matin. Fidèle
au poste, Céline, la jeune marchande de bonbons, sait récompenser
les enfants par son grand rire généreux et ses gâteries
de toutes les couleurs. Elle est gaie, souvent optimiste, et son entrain
semble faire tâche d’huile parmi les autres jeunes de la ville...
La majorité des jeunes que nous avons rencontrés au fil
des mois pour réaliser un film documentaire et le présent
ouvrage, aiment leur ville, même si des critiques de principe fusent,
évoquant un manque d’activités, des envies nouvelles,
souvent calquées sur une imagerie extérieure. Piscine, patinoire
et parc de loisirs manqueraient vivement, paraît-il...
Doit-on suivre ceux qui demandent toujours la lune ? Plus de consommation,
des prêts à être animés à l’emporte-pièce,
en échange de quelques euros de plus ?
Tout au long des rues, les visages souriants se succèdent à
l’heure des loisirs ou à celle de la sortie des écoles.
Des groupes déambulent le nez en l’air, d’autres rejoignent
la grande salle de sport où des dizaines d’activités
les attendent. D’autres encore fréquentent la Maison des
jeunes et de la communication pour s’évader du réel,
entre deux parties de jeux vidéo, ou pour retrouver virtuellement
le monde extérieur par Internet, connectés à la planète
en quelques manipulations informatiques.
Mais à l’heure des loisirs, certains jeunes préfèrent
bichonner leurs devoirs scolaires pour se donner toutes les chances d’une
vie meilleure que celle que connaît leur entourage immédiat.
L’ombre portée du travail et de ses lourdes contraintes habite
toutes les têtes pourtant, la grande majorité de la jeunesse
de cette ville est loin d’être morose !
Formation, études, chances à saisir, la trilogie magique
hante parfois les consciences de tous ces adolescents en rupture d’enfance.
Interrogés à leur sujet, les adultes les voudraient plus
matures, davantage impliqués dans le demain de leur existence,
à fabriquer coûte que coûte.
Chacun connaît la pénurie d’emplois et les fermetures
endémiques d’entreprises alentours – Cokes de Drocourt,
Métaleurop – chacun perçoit les risques et les facilités
déviantes, chacun s’inquiète des sirènes délinquantes,
prêtes à embrigader les esprits les plus fragiles.