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les éditions l'oeil d'or

P'tits enfants du bassin minier Alain Bellet et Patricia Baud - mémoires & miroirs
CHAPITRE I : Il y a longtemps que je t'aime, jamais je ne t'oublierai

Livre Alain Bellet Patricia BaudIl était une fois une petite ville du bassin minier, à mi-chemin entre Lens et Arras, à la limite des champs et d’un vaste enchevêtrement de villes. Sa jeunesse était un gage d’avenir, un souci parfois. Cette ancienne cité minière si proche, si lointaine, à l’abri de l’immense terril, sait encore parfois inquiéter. Coupée en deux par son histoire intime, la commune de Rouvroy cultive avec minutie les fleurs précieuses d’un devenir qui pousse, au gré de ses rues familières.

Ici, l’enfance et la jeunesse constituent autant de paris pour demain. Sa particularité est faite de toutes petites choses agréables. Pas plus belle que ses voisines, forgée tout comme elles au charbon d’hier et au travail des hommes, il y règne pourtant un joli charme de ville à la campagne, ou de campagne à la ville, comme le rêvait autrefois l’écrivain Alphonse Allais – qui n’avait sans doute jamais mis les pieds dans le nord du pays.
Ici, ville et campagne cohabitent encore, pour le bonheur des regards jetés à la va-vite. Et si Rouvroy-Sud reste un village regroupé autour de son église, sa mairie et quelques écoles, Rouvroy-Nord est devenue un centre de vie, le centre-ville, la mémoire vivace de l’ancien quartier appelé Nouméa, agglutiné autour d’un carreau de fosse, juste au pied des grands terrils.
C’était la mine des grands-parents d’une jeunesse en quête d’elle-même, d’une enfance heureuse, dont les jeux intègrent toujours un reste de nature. La verdure est partout présente ici, l’espace reste disponible pour toutes les évasions enfantines. Ses habitants ne sont pas très nombreux mais suffisamment pour mettre de l’animation dans la rue Charles-de-Gaulle les jours de marché, chaque lundi matin. Fidèle au poste, Céline, la jeune marchande de bonbons, sait récompenser les enfants par son grand rire généreux et ses gâteries de toutes les couleurs. Elle est gaie, souvent optimiste, et son entrain semble faire tâche d’huile parmi les autres jeunes de la ville...
La majorité des jeunes que nous avons rencontrés au fil des mois pour réaliser un film documentaire et le présent ouvrage, aiment leur ville, même si des critiques de principe fusent, évoquant un manque d’activités, des envies nouvelles, souvent calquées sur une imagerie extérieure. Piscine, patinoire et parc de loisirs manqueraient vivement, paraît-il...
Doit-on suivre ceux qui demandent toujours la lune ? Plus de consommation, des prêts à être animés à l’emporte-pièce, en échange de quelques euros de plus ?
Tout au long des rues, les visages souriants se succèdent à l’heure des loisirs ou à celle de la sortie des écoles. Des groupes déambulent le nez en l’air, d’autres rejoignent la grande salle de sport où des dizaines d’activités les attendent. D’autres encore fréquentent la Maison des jeunes et de la communication pour s’évader du réel, entre deux parties de jeux vidéo, ou pour retrouver virtuellement le monde extérieur par Internet, connectés à la planète en quelques manipulations informatiques.
Mais à l’heure des loisirs, certains jeunes préfèrent bichonner leurs devoirs scolaires pour se donner toutes les chances d’une vie meilleure que celle que connaît leur entourage immédiat.
L’ombre portée du travail et de ses lourdes contraintes habite toutes les têtes pourtant, la grande majorité de la jeunesse de cette ville est loin d’être morose !
Formation, études, chances à saisir, la trilogie magique hante parfois les consciences de tous ces adolescents en rupture d’enfance. Interrogés à leur sujet, les adultes les voudraient plus matures, davantage impliqués dans le demain de leur existence, à fabriquer coûte que coûte.
Chacun connaît la pénurie d’emplois et les fermetures endémiques d’entreprises alentours – Cokes de Drocourt, Métaleurop – chacun perçoit les risques et les facilités déviantes, chacun s’inquiète des sirènes délinquantes, prêtes à embrigader les esprits les plus fragiles.