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les éditions l'oeil d'or

Vincent Leroy de Véronique Bouruet-Aubertot - collection formes & figures
INTRODUCTION

vincent leroyUne herbe très rigoureuse, une pelouse hypertransgénique plantée en plein Paris à deux pas de la gare d’Austerlitz, devant la chapelle de la Salpêtrière, pour une nuit blanche parisienne (Champ Mécanique, 2005). Entre chaque brin de taille humaine, chacun déambule, halluciné, tel un lilliputien invité à explorer un pays des merveilles. Seraient-ce les origines normandes de Vincent Leroy, né à Avranches en 1968, qui lui auraient inspiré cet herbage de 2000 m 2 fait de centaines de tiges souples en Altuglas vert fluorescent ? Peut-être ou peut-être pas. L’œuvre circule ainsi entre poésie, technologie et liberté d’esprit. De l’air et de la légèreté. Et du mouvement surtout, celui qui crée la vie, l’étonnement, le changement continuel de point de vue.

Char à voile, guitare électrique, un avion de 8 mètres de large, Vincent Leroy commence tout petit à bricoler dans la ferme de ses parents avant de monter à Paris étudier le design industriel. Il a vingt ans ; il découvre Takis, Tinguely, s’extasie devant les œuvres de Picasso, Calder puis Duchamp. Et continue ses bricolages qui deviennent des mobiles animés par des moteurs repiqués dans des Walkman : le mouvement déjà. La cité des Sciences et de l’Industrie s’intéresse, il conçoit une scénographie pour le théâtre de Chaillot (Les Originaux de Voltaire en 1994), puis le Gong pour la rue Musicale de la Cité de la Musique (1995). La machine est lancée, rien ne l’arrêtera plus.
À deux pas du marché d’Aligre, en plein cœur du Paris-Bastille, Vincent Leroy crée dans un espace réservé de son appartement. Ordinateur, mobilier sobre, lumière du jour et des classeurs où il archive ses expériences, forment sa propre petite encyclopédie, son usage du monde et constituent une sorte de pioche où il revient ensuite pêcher l’inspiration. Impeccablement archivé, son musée imaginaire réunit par analogie formelle des photos d’encyclopédie, des flyers pour des soirées branchées, des coupures de presse, des photos prises par lui – signaux lumineux de pistes d’aviation ; marché de l’électronique de Akihabara à Tokyo – ou d’autres images captées sur Internet. Hélico, trains, avion, lunettes optiques, dirigeables ou festival de cerfs-volants, c’est un univers à la Jules Verne version troisième millénaire qui peu à peu se dessine au fil des pages, des recoupements, des associations d’idées et d’images. Au mur, les pales colorées d’« Éventails d’éventail » brassent l’air doucement comme les ailes d’un oiseau rare. En voyage au Japon, Vincent Leroy repère ces éventails publicitaires au graphisme attrayant. De manière presque compulsive, il les collectionne et en ramène des caisses où il puisera pour cette nouvelle création : une ronde d’éventails animés d’un mouvement tranquille et fluide comme une respiration.
« Je considère le mouvement comme une dimension à part entière, tout comme un peintre va jouer des perspectives et des couleurs. Je pense à quel mouvement je vais pouvoir créer et je cherche ensuite les solutions pour y parvenir » résume-t-il pour décrire ses créations. Un ruban de contreplaqué ondoie dans un éternel recommencement (Lune brouillée, 2001), une nébuleuse de plaquettes s’incline en cascade aux couleurs de l’arc-en-ciel, (Quelque part sur l’arc-en-ciel, 2002). Le mécanisme est simple (un petit moteur au mouvement rotatif), transparent, et le dispositif toujours malin car ce n’est pas la performance technologique qui est mise en avant ou visée. Légèreté visuelle, douceur d’un mouvement fluide, aérien, régulier : l’œuvre trouve son pouls sans heurt, bat au rythme naturel d’une harmonie interne qui lui est propre. Il en est ainsi de ces Bubbles qui, comme des bulles de savon, avancent toutes seules par un habile jeu de contrepoids et nous livrent depuis la caméra qu’elles portent dans leur ventre la vision d’un autre monde.